Œuvres proposées par Madame Gravier :
-------------Œuvre n°1 Grand Corps Malade Enfant de la ville-----------------
Introduction
Ce slam de GCM se présente sous la forme d’un texte poétique de 4 strophes de 8 vers, séparées par un refrain. Les vers riment entre eux 2 par 2 de façon suivie, ce qui crée un rythme régulier.
Le refrain comme première approche du message du poète
Le refrain est un passage à étudier tout particulièrement dans une chanson, car il en résume habituellement les idées principales. Ici, Grand Corps Malade expose la raison de son attachement à la ville, qu'il définit comme un lieu de foule, loin de l'idée habituelle de solitude qui se rattache à la ville moderne. Il en donne une image caractérisée par la multitude (on notera la présence importante des champs lexicaux du nombre et du désordre).
La ville est ainsi définie par la quantité de ses habitants plutôt que par son architecture.
La ville dans les mots du poète
Grand Corps Malade veut, par son texte, donner vie à l'atmosphère urbaine qu'il aime pour que son auditoire la (re)découvre et partage, dans sa lecture et dans sa vie, cette fascination. Pour cela, il use de tous ses sens pour donner à voir ce qu'il aime dans sa ville.
Les indications sensorielles (c’est-à-dire faisant référence à un sens) sont :
- le toucher : "je ressens le cœur de la ville qui cogne dans ma poitrine", "je ressens ça à chaque heure et jusqu'au bout de mes phalanges" ;
- l'ouïe : "J'entends les sirènes qui résonnent", "le murmure de la rue", "bruit", "les rires et les cris", "je veux que ça claque et que ça sonne" ;
- l'odorat : "l'odeur de l'essence" ;
- la vue : "croiser du mouvement et des visages", "voir un brin de poésie", "quand on le regarde dans les yeux".
Le rôle du poète
Le poète veut être un guide, un passeur entre deux univers : celui du lecteur et le sien. Ainsi, le tutoiement utilisé à de nombreuses reprises par Grand Corps Malade peut être compris comme une marque de sympathie : le poète se présente comme l’égal du lecteur, son alter ego : ils peuvent se comprendre.
Le poète se présente comme un témoin, il rapporte des expériences personnelles : "je suis un produit du côté pile", "J'suis allé à New York", "y'a toute ma vie dans ce bordel"...
C'est un observateur attentif et sensible : cf les indications sensorielles.
Il se tient à l'écart de la foule : "je ris quand les gens se ruent" (le "je" est bien distinct des "gens"), "je promène ma nonchalance", "je me balade".
Il se présente comme une personne heureuse et enthousiaste : le champ lexical de l'amour et du rire (ou du sourire).
Conclusion
La ville cosmopolite et moderne est la muse du poète, parce que c'est elle qui lui inspire sa poésie. C'est pourquoi il dit qu'il « trempe sa plume dans l'asphalte », comme si c'était l'encre avec laquelle il écrivait. Dans la ville, il trouve en effet une source de sensations et de beauté ("c'est beau une ville... c'est chaud une ville..."), mais aussi de vérité ("le béton c'est brut / ça sent le vrai, l'authentique").
Œuvre n°2 « Le bruit des cabarets… », La Bonne chanson, Paul Verlaine
Introduction Verlaine s’est beaucoup intéressé à la ville et à son atmosphère, principalement à Paris. Le poète devient alors souvent un observateur, un peintre de la ville. Nous allons montrer comment Verlaine se fait le peintre de Paris grâce à des images qui parlent de l’âme du poète au-delà de ce paysage de ville.
La ville : un mélange
Le poème se déroule comme un tableau où tous les sens sont utilisés : il s’agit d’une description de Paris sous forme d’énumération, avec un vers final qui désigne le poète : "voilà ma route".
D’abord la rue qui apparaît au promeneur : ce qu’il entend, ce qu’il voit, ce qu’il peut toucher
Ce qu’il entend, c’est le bruit désagréable, le vacarme : "bruit", "ouragan de ferraille", "grince", "qui dégouttent"
Ce qu’il voit, c’est le mélange des couleurs mais aussi ce qui est abîmé :
Vient alors le mélange des éléments de la ville et des éléments de la nature .
La ville c’est d’abord des éléments qui la composent : "trottoir", "bitume" auxquels se joint la nature dégradée : "fange", ruisseaux qui se mêlent à l’égout, "platanes déchus". Ainsi le poète décrit une ville qui dégrade la nature.
La métaphore de l’omnibus reprend cette ambigüité de la nature et de la dégradation :"ouragan de ferraille et de boues". Cette image mêlange la force naturelle (l’ouragan) et le quotidien (la ferraille, la boue)
Mais la ville, c’est aussi les cabarets, le club, lieux qui évoquent la fête. La ville est donc un endroit double, ambigu : elle dégrade mais elle est aussi source de plaisir, de vie.
Les personnages : un tableau animé
Plusieurs personnages sont cités dans le décor de la ville :
- les ouvriers, ceux qui travaillent mais qui sont aussi ceux qui s’amusent comme une provocation : "allant au club", "fumant leur brûle-gueule aux nez des agents de police".
- la présence des agents de police introduit l’idée de l’ordre dans cette description mais c’est bien le désordre qui domine, la fête.
D’autres éléments de la ville sont aussi personnifiés, :
- tout d’abord les "platanes déchus" renvoie en effet à cette idée de règne humain qui a pris fin (on parle d’un roi déchu)
- ensuite l’omnibus : le poète lui attribue des "yeux", qui désignent en fait ses phares mais dit également qu’il est "mal assis". L’omnibus est donc physiquement comparé à un être humain.
- enfin, il y a le poète lui-même qui se désigne à travers le pronom personnel "ma" au dernier vers.
Il faut alors comprendre que le platane, roi déchu, l’omnibus, qui relie la nature et la ville, la figure provocatrice des ouvriers sont toutes les facettes du poète lui-même.
Le poète semble avoir choisi les éléments de la ville moderne qui font comme un écho en lui.
Conclusion
Le dernier vers vient donner du sens aux vers qui précèdent.
Le poème qui opposait la nature et la ville, l’ordre et le désordre, amène le poète vers le paradis, espace idéal, pur, élevé.
Le dernier vers joue sur le sens propre et le sens figuré du mot « route « : la route, c’est la rue de la ville, mais c’est aussi c’est le chemin personnel, spirituel du poète.
Le poète, malgré sa mélancolie, trouve un certain bonheur dans l’atmosphère de la ville même si elle est dégradée , car elle est pour lui source d’inspiration et lui permet de créer le poème, une œuvre d’art.
Œuvre n°3 "La ville" d'Emile Verhaeren
I/ L'organisation de la description de la ville : espace chaotique, immense, isolé et dominé par la verticalité
a) La verticalité
La ville est décrite essentiellement par son aspect vertical
Présence de termes appartenant à l'architecture évoquant la verticalité : "ses grands escaliers" ; "hauts étages" ; "colonnes/que dominent des faces de gorgones" ; "toits et pignons" ; "grands mâts"...
Les verbes renvoient également à cette notion : "dressent" ; "dressant" ; "exhumer"
Les adverbes "par au- dessus" ; "debout" (mis en valeur par son isolement au vers 15) Caractère hyperbolique du mouvement vers le haut : le poète est dans l'exagération lorqu'il évoque le mouvement vers le haut "de plus hauts étages" ; "jusqu'au ciel". (v.4)
Enfin, trois niveaux de verticalité se superposent :
l'espace aérien : "par au dessus des cabs, filent les roues / roulent les trains, vole l'effort/ Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues /immobiles".
l'espace terrien " éclaire / poussière"
l'espace souterrain : "sous sol de feu" "rampent sous terre l en des tunnels et des cratères".
La ville est donc celle qui écrase le paysage et s'oppose aux campagnes : c'est la dominante. Par ailleurs on note l'absence d'évocation de la vie humaine, ce qui renforce l'impression d'oppression créée par cet isolement urbain.
b) Isolement de la ville et absence d'horizon
Les autres espaces sont invisibles depuis la ville, ce qui renforce l'isolement urbain ; mais surtout, on peine à discerner quoi que ce soit : " Le soleil clair ne se voit pas / Bouche qui est de lumière fermée / Par le charbon et la fumée", rapprochement "fleuve" " poix" au lieu de l'eau "brouillard" du port, mentions de "brumes" dans le reste du poème.
L'univers industriel est poisseux et sans horizon de même que la ville est fermée sur elle même.
c) Un espace chaotique
La ville semble n'obéir à aucune règle en matière d'architecture. C'est l'impression d'anarchie qui domine : l'accumulation d'éléments architecturaux sans règle particulière concourt à cette impression d'anarchie : "pont" "blocs" "colonnes" "tours" "toits" "pignons" +anaphore en "ce sont" qui semble éparpiller les éléments ça et là. Tout a l'air enchevêtré.
Le lecteur a comme l'impression que l'auteur fait une peinture abstraite, cubiste de la ville : la représentation n'a pas de perspective, on note un mélange des plans, une accumulation d'éléments architecturaux.
II/ Un espace inquiétant : La ville-monstre
a) Un espace impersonnel
Ces 50 premiers vers présentent un espace sans vie humaine. C'est seulement de façon indirecte que la population ouvrière est discrètement présente à travers certaines expressions : "tous les chemins mènent vers les villes" suggère immédiatement le phénomène de l'exode rural. "La ville tentaculaire / debout / Au bout des plaines et des domaines" : la ville est une sorte de phare vers lequel la population est comme aspirée. Les "frontons d'or", espoir d'argent, sont trompeurs...
Mais cette population n'est pas visible et elle n’est pas composée d’individus : c'est une force informe.
b) Animalisation de la ville
La ville est une ville-pieuvre : répétition de vers "c’est la ville tentaculaire" dont l'image est reprise dans le vers initial "tous les chemins mènent vers les villes"
Ses mouvements sont inquiétants : les transports imitent le mouvement des tentacules qui pénètrent partout : point "jetés" à travers,.
c) La violence et la mort
La violence est aussi présente dans la lutte "le fleuve / bat les môles" "face à face comme en bataille". Cette violence réside également dans le contraste entre l'obscurité des enfers ( noir/gris) et le rouge du feu qui détruit ("brûlent" "clartés rouges" "yeux d'or" " lettre de cuivre" " réseaux clairs d'éclair")
La mort est enfin explicitement présente sous la forme des "gibets" (potence des condamés à mort par pendaison) que constituent les "mâts" des navires au port.
Conclusion :
Ce beau poème, particulièrement riche en symboles, dénonce les faux espoirs que fait naître la ville. L'espace urbain est un enfer où l'effort des populations ouvrières s'épuise, à la recherche de l'argent, guidé vers une mort rapide. La ville est celle qui dévore les populations.
Œuvre n°4 "Marseille" de Jules Supervielle
Introduction
Jules Supervielle, poète du XXème siècle, publie Débarcadères en 1927. Cette œuvre exprime l'amour qu'a le poète pour Marseille qui est le titre de l'extrait.
Que représente Marseille pour l'auteur ? Nous verrons dans un premier temps, dans ce poème en vers libre, la manière avec laquelle le poète décrit la ville puis les relations qu'il entretient avec Marseille.
I/ La mer et la ville
Le poète célèbre l’union des 2 :
Le champ lexical de la mer partout dans le poème représente l’omniprésence de la mer dans cette ville.
On trouve des expressions qui associent même les 2 comme la métaphore du « tramway-crustacé » : on ne sait plus où finit l’une, où commence l’autre ; cela donne lieu à des visions étranges, une création poétique d’animaux incroyables.
- les « mâts en pleine ville » qui « disputent les passants » sont personnifiés
Nature et urbanisation se côtoient dans l’harmonie, l’homme et la vie faisant le lien entre les deux univers.
II/ Une ville grouillante placée sous le signe de l’agitation
- énumération de toutes sortes de personnes qui peuplent la cité phocéenne : c’est la multitude, diversité qui se côtoie là-aussi dans une ambiance très bon enfant = « le beau rendez-vous de vivants » v.4.
- accumulation « verres, tasses, seaux à glace, alcools » v.6 : ces objets sont associés à la bonne humeur, à la légèreté, la fête = ville où il fait bon vivre.
- champ lexical du bruit : très nombreux, origines diverses, traduisent la vie (surtout les rires des femmes v.16)
- nombreux verbes d’action / de mouvements
Marseille ou la vie :
- champ lexical de la vie : « vivants » v.4, « enfantent » v.5 > Marseille = berceau.
- soleil = chaleur, lumière de la vie, énergie vitale, personnification v.8-13 avec verbes de mouvements > soleil espiègle, sympa ; symbole du Sud, de la gaieté ; présence bienfaisante, semble se mêler aux êtres humains.
- contrairement à la lune qui se contente de « regarder », distante, mise à l’écart par « les barreaux de la nuit ».
- assonances en [u] > son rond, comme un cri d’enfant, doux.
Marseille, cité populaire et fourmillante, devrait, selon le poète se tenir « un peu tranquille » (v.16), ce qui trahit sa perpétuelle activité. Le poète recherche donc un instant de calme, afin d’adresser à la ville de Marseille une véritable déclaration.
III/ Une déclaration
L’anaphore de « Marseille » (v.1 et 14) montre que ce texte lui est dédié par le poète.
Par ailleurs , le jeu des pronoms personnels marque l’évolution de la complicité entre le poète et la ville, poète qui passe de la 3° pers au « tu » (v.14) => familiarité, Le rapprochement est marqué aussi par le « je » du poète + le « tu » de Marseille qui deviennent « nous » répété 2 fois v.16
Ce rapprochement est aussi physique : « Reste » v.16 , « que nous nous regardions un peu » => Marseille personnifiée devient une figure féminine à laquelle le poète adresse une véritable déclaration d’amour
Marseille clairement personnifiée et féminine : comme le révèle l’adjectif « sois attentive » v.14
Expressions à connotations sensuelles => échange placé sous le signe de la séduction ou de la maternité (gorges, « enfantent ») cf cette mère qu’il n’a quasiment pas connue (orphelin à 8 mois)
Thème de la douceur : « douceur » v.15, « tranquille » v.16 => au milieu de l’agitation ambiante, recherche de calme, de sérénité aussi bien pour le poète que pour la ville.
Conclusion : Associée au mouvement, à la lumière, en un mot à la vie, la ville de Marseille apparaît comme une terre d’accueil à qui le poète s’adresse comme à une femme. Contrairement à d’autres textes, comme « La ville » d’Emile Verhaeren qui fait de la ville un lieu désincarné, totalement assiégé par les constructions modernes, « Marseille » donne l’image d’une ville qui a su conserver son âme, même dans la modernité.
Ce slam de GCM se présente sous la forme d’un texte poétique de 4 strophes de 8 vers, séparées par un refrain. Les vers riment entre eux 2 par 2 de façon suivie, ce qui crée un rythme régulier.
Le refrain comme première approche du message du poète
Le refrain est un passage à étudier tout particulièrement dans une chanson, car il en résume habituellement les idées principales. Ici, Grand Corps Malade expose la raison de son attachement à la ville, qu'il définit comme un lieu de foule, loin de l'idée habituelle de solitude qui se rattache à la ville moderne. Il en donne une image caractérisée par la multitude (on notera la présence importante des champs lexicaux du nombre et du désordre).
La ville est ainsi définie par la quantité de ses habitants plutôt que par son architecture.
La ville dans les mots du poète
Grand Corps Malade veut, par son texte, donner vie à l'atmosphère urbaine qu'il aime pour que son auditoire la (re)découvre et partage, dans sa lecture et dans sa vie, cette fascination. Pour cela, il use de tous ses sens pour donner à voir ce qu'il aime dans sa ville.
Les indications sensorielles (c’est-à-dire faisant référence à un sens) sont :
- le toucher : "je ressens le cœur de la ville qui cogne dans ma poitrine", "je ressens ça à chaque heure et jusqu'au bout de mes phalanges" ;
- l'ouïe : "J'entends les sirènes qui résonnent", "le murmure de la rue", "bruit", "les rires et les cris", "je veux que ça claque et que ça sonne" ;
- l'odorat : "l'odeur de l'essence" ;
- la vue : "croiser du mouvement et des visages", "voir un brin de poésie", "quand on le regarde dans les yeux".
Le rôle du poète
Le poète veut être un guide, un passeur entre deux univers : celui du lecteur et le sien. Ainsi, le tutoiement utilisé à de nombreuses reprises par Grand Corps Malade peut être compris comme une marque de sympathie : le poète se présente comme l’égal du lecteur, son alter ego : ils peuvent se comprendre.
Le poète se présente comme un témoin, il rapporte des expériences personnelles : "je suis un produit du côté pile", "J'suis allé à New York", "y'a toute ma vie dans ce bordel"...
C'est un observateur attentif et sensible : cf les indications sensorielles.
Il se tient à l'écart de la foule : "je ris quand les gens se ruent" (le "je" est bien distinct des "gens"), "je promène ma nonchalance", "je me balade".
Il se présente comme une personne heureuse et enthousiaste : le champ lexical de l'amour et du rire (ou du sourire).
Conclusion
La ville cosmopolite et moderne est la muse du poète, parce que c'est elle qui lui inspire sa poésie. C'est pourquoi il dit qu'il « trempe sa plume dans l'asphalte », comme si c'était l'encre avec laquelle il écrivait. Dans la ville, il trouve en effet une source de sensations et de beauté ("c'est beau une ville... c'est chaud une ville..."), mais aussi de vérité ("le béton c'est brut / ça sent le vrai, l'authentique").
Œuvre n°2 « Le bruit des cabarets… », La Bonne chanson, Paul Verlaine
Introduction Verlaine s’est beaucoup intéressé à la ville et à son atmosphère, principalement à Paris. Le poète devient alors souvent un observateur, un peintre de la ville. Nous allons montrer comment Verlaine se fait le peintre de Paris grâce à des images qui parlent de l’âme du poète au-delà de ce paysage de ville.
La ville : un mélange
Le poème se déroule comme un tableau où tous les sens sont utilisés : il s’agit d’une description de Paris sous forme d’énumération, avec un vers final qui désigne le poète : "voilà ma route".
D’abord la rue qui apparaît au promeneur : ce qu’il entend, ce qu’il voit, ce qu’il peut toucher
Ce qu’il entend, c’est le bruit désagréable, le vacarme : "bruit", "ouragan de ferraille", "grince", "qui dégouttent"
Ce qu’il voit, c’est le mélange des couleurs mais aussi ce qui est abîmé :
- pour les couleurs : "air noir", "ses yeux verts et rouges"
- pour ce qui est abimé :"platanes déchus", "s’effeuillant", "murs suintants", "bitume défoncé", "l’égout"
Vient alors le mélange des éléments de la ville et des éléments de la nature .
La ville c’est d’abord des éléments qui la composent : "trottoir", "bitume" auxquels se joint la nature dégradée : "fange", ruisseaux qui se mêlent à l’égout, "platanes déchus". Ainsi le poète décrit une ville qui dégrade la nature.
La métaphore de l’omnibus reprend cette ambigüité de la nature et de la dégradation :"ouragan de ferraille et de boues". Cette image mêlange la force naturelle (l’ouragan) et le quotidien (la ferraille, la boue)
Mais la ville, c’est aussi les cabarets, le club, lieux qui évoquent la fête. La ville est donc un endroit double, ambigu : elle dégrade mais elle est aussi source de plaisir, de vie.
Les personnages : un tableau animé
Plusieurs personnages sont cités dans le décor de la ville :
- les ouvriers, ceux qui travaillent mais qui sont aussi ceux qui s’amusent comme une provocation : "allant au club", "fumant leur brûle-gueule aux nez des agents de police".
- la présence des agents de police introduit l’idée de l’ordre dans cette description mais c’est bien le désordre qui domine, la fête.
D’autres éléments de la ville sont aussi personnifiés, :
- tout d’abord les "platanes déchus" renvoie en effet à cette idée de règne humain qui a pris fin (on parle d’un roi déchu)
- ensuite l’omnibus : le poète lui attribue des "yeux", qui désignent en fait ses phares mais dit également qu’il est "mal assis". L’omnibus est donc physiquement comparé à un être humain.
- enfin, il y a le poète lui-même qui se désigne à travers le pronom personnel "ma" au dernier vers.
Il faut alors comprendre que le platane, roi déchu, l’omnibus, qui relie la nature et la ville, la figure provocatrice des ouvriers sont toutes les facettes du poète lui-même.
Le poète semble avoir choisi les éléments de la ville moderne qui font comme un écho en lui.
Conclusion
Le dernier vers vient donner du sens aux vers qui précèdent.
Le poème qui opposait la nature et la ville, l’ordre et le désordre, amène le poète vers le paradis, espace idéal, pur, élevé.
Le dernier vers joue sur le sens propre et le sens figuré du mot « route « : la route, c’est la rue de la ville, mais c’est aussi c’est le chemin personnel, spirituel du poète.
Le poète, malgré sa mélancolie, trouve un certain bonheur dans l’atmosphère de la ville même si elle est dégradée , car elle est pour lui source d’inspiration et lui permet de créer le poème, une œuvre d’art.
Œuvre n°3 "La ville" d'Emile Verhaeren
I/ L'organisation de la description de la ville : espace chaotique, immense, isolé et dominé par la verticalité
a) La verticalité
La ville est décrite essentiellement par son aspect vertical
Présence de termes appartenant à l'architecture évoquant la verticalité : "ses grands escaliers" ; "hauts étages" ; "colonnes/que dominent des faces de gorgones" ; "toits et pignons" ; "grands mâts"...
Les verbes renvoient également à cette notion : "dressent" ; "dressant" ; "exhumer"
Les adverbes "par au- dessus" ; "debout" (mis en valeur par son isolement au vers 15) Caractère hyperbolique du mouvement vers le haut : le poète est dans l'exagération lorqu'il évoque le mouvement vers le haut "de plus hauts étages" ; "jusqu'au ciel". (v.4)
Enfin, trois niveaux de verticalité se superposent :
l'espace aérien : "par au dessus des cabs, filent les roues / roulent les trains, vole l'effort/ Jusqu'aux gares, dressant, telles des proues /immobiles".
l'espace terrien " éclaire / poussière"
l'espace souterrain : "sous sol de feu" "rampent sous terre l en des tunnels et des cratères".
La ville est donc celle qui écrase le paysage et s'oppose aux campagnes : c'est la dominante. Par ailleurs on note l'absence d'évocation de la vie humaine, ce qui renforce l'impression d'oppression créée par cet isolement urbain.
b) Isolement de la ville et absence d'horizon
Les autres espaces sont invisibles depuis la ville, ce qui renforce l'isolement urbain ; mais surtout, on peine à discerner quoi que ce soit : " Le soleil clair ne se voit pas / Bouche qui est de lumière fermée / Par le charbon et la fumée", rapprochement "fleuve" " poix" au lieu de l'eau "brouillard" du port, mentions de "brumes" dans le reste du poème.
L'univers industriel est poisseux et sans horizon de même que la ville est fermée sur elle même.
c) Un espace chaotique
La ville semble n'obéir à aucune règle en matière d'architecture. C'est l'impression d'anarchie qui domine : l'accumulation d'éléments architecturaux sans règle particulière concourt à cette impression d'anarchie : "pont" "blocs" "colonnes" "tours" "toits" "pignons" +anaphore en "ce sont" qui semble éparpiller les éléments ça et là. Tout a l'air enchevêtré.
Le lecteur a comme l'impression que l'auteur fait une peinture abstraite, cubiste de la ville : la représentation n'a pas de perspective, on note un mélange des plans, une accumulation d'éléments architecturaux.
II/ Un espace inquiétant : La ville-monstre
a) Un espace impersonnel
Ces 50 premiers vers présentent un espace sans vie humaine. C'est seulement de façon indirecte que la population ouvrière est discrètement présente à travers certaines expressions : "tous les chemins mènent vers les villes" suggère immédiatement le phénomène de l'exode rural. "La ville tentaculaire / debout / Au bout des plaines et des domaines" : la ville est une sorte de phare vers lequel la population est comme aspirée. Les "frontons d'or", espoir d'argent, sont trompeurs...
Mais cette population n'est pas visible et elle n’est pas composée d’individus : c'est une force informe.
b) Animalisation de la ville
La ville est une ville-pieuvre : répétition de vers "c’est la ville tentaculaire" dont l'image est reprise dans le vers initial "tous les chemins mènent vers les villes"
Ses mouvements sont inquiétants : les transports imitent le mouvement des tentacules qui pénètrent partout : point "jetés" à travers,.
c) La violence et la mort
La violence est aussi présente dans la lutte "le fleuve / bat les môles" "face à face comme en bataille". Cette violence réside également dans le contraste entre l'obscurité des enfers ( noir/gris) et le rouge du feu qui détruit ("brûlent" "clartés rouges" "yeux d'or" " lettre de cuivre" " réseaux clairs d'éclair")
La mort est enfin explicitement présente sous la forme des "gibets" (potence des condamés à mort par pendaison) que constituent les "mâts" des navires au port.
Conclusion :
Ce beau poème, particulièrement riche en symboles, dénonce les faux espoirs que fait naître la ville. L'espace urbain est un enfer où l'effort des populations ouvrières s'épuise, à la recherche de l'argent, guidé vers une mort rapide. La ville est celle qui dévore les populations.
Œuvre n°4 "Marseille" de Jules Supervielle
Introduction
Jules Supervielle, poète du XXème siècle, publie Débarcadères en 1927. Cette œuvre exprime l'amour qu'a le poète pour Marseille qui est le titre de l'extrait.
Que représente Marseille pour l'auteur ? Nous verrons dans un premier temps, dans ce poème en vers libre, la manière avec laquelle le poète décrit la ville puis les relations qu'il entretient avec Marseille.
I/ La mer et la ville
Le poète célèbre l’union des 2 :
Le champ lexical de la mer partout dans le poème représente l’omniprésence de la mer dans cette ville.
On trouve des expressions qui associent même les 2 comme la métaphore du « tramway-crustacé » : on ne sait plus où finit l’une, où commence l’autre ; cela donne lieu à des visions étranges, une création poétique d’animaux incroyables.
- les « mâts en pleine ville » qui « disputent les passants » sont personnifiés
Nature et urbanisation se côtoient dans l’harmonie, l’homme et la vie faisant le lien entre les deux univers.
II/ Une ville grouillante placée sous le signe de l’agitation
- énumération de toutes sortes de personnes qui peuplent la cité phocéenne : c’est la multitude, diversité qui se côtoie là-aussi dans une ambiance très bon enfant = « le beau rendez-vous de vivants » v.4.
- accumulation « verres, tasses, seaux à glace, alcools » v.6 : ces objets sont associés à la bonne humeur, à la légèreté, la fête = ville où il fait bon vivre.
- champ lexical du bruit : très nombreux, origines diverses, traduisent la vie (surtout les rires des femmes v.16)
- nombreux verbes d’action / de mouvements
Marseille ou la vie :
- champ lexical de la vie : « vivants » v.4, « enfantent » v.5 > Marseille = berceau.
- soleil = chaleur, lumière de la vie, énergie vitale, personnification v.8-13 avec verbes de mouvements > soleil espiègle, sympa ; symbole du Sud, de la gaieté ; présence bienfaisante, semble se mêler aux êtres humains.
- contrairement à la lune qui se contente de « regarder », distante, mise à l’écart par « les barreaux de la nuit ».
- assonances en [u] > son rond, comme un cri d’enfant, doux.
Marseille, cité populaire et fourmillante, devrait, selon le poète se tenir « un peu tranquille » (v.16), ce qui trahit sa perpétuelle activité. Le poète recherche donc un instant de calme, afin d’adresser à la ville de Marseille une véritable déclaration.
III/ Une déclaration
L’anaphore de « Marseille » (v.1 et 14) montre que ce texte lui est dédié par le poète.
Par ailleurs , le jeu des pronoms personnels marque l’évolution de la complicité entre le poète et la ville, poète qui passe de la 3° pers au « tu » (v.14) => familiarité, Le rapprochement est marqué aussi par le « je » du poète + le « tu » de Marseille qui deviennent « nous » répété 2 fois v.16
Ce rapprochement est aussi physique : « Reste » v.16 , « que nous nous regardions un peu » => Marseille personnifiée devient une figure féminine à laquelle le poète adresse une véritable déclaration d’amour
Marseille clairement personnifiée et féminine : comme le révèle l’adjectif « sois attentive » v.14
Expressions à connotations sensuelles => échange placé sous le signe de la séduction ou de la maternité (gorges, « enfantent ») cf cette mère qu’il n’a quasiment pas connue (orphelin à 8 mois)
Thème de la douceur : « douceur » v.15, « tranquille » v.16 => au milieu de l’agitation ambiante, recherche de calme, de sérénité aussi bien pour le poète que pour la ville.
Conclusion : Associée au mouvement, à la lumière, en un mot à la vie, la ville de Marseille apparaît comme une terre d’accueil à qui le poète s’adresse comme à une femme. Contrairement à d’autres textes, comme « La ville » d’Emile Verhaeren qui fait de la ville un lieu désincarné, totalement assiégé par les constructions modernes, « Marseille » donne l’image d’une ville qui a su conserver son âme, même dans la modernité.
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Œuvre proposée en Arts Plastiques :
-------------------------- Christo et ses emballages -------------------------
Christo
Vladimirov Javacheff arrive à Paris en 1958. Il y rencontre et épouse
Jeanne-Claude de Guillebon avec qui il fera œuvre commune. Christo et
Jeanne-Claude réalisent des empaquetages sur le port de Cologne. A
Paris, en 1962, ils assemblent plus de 200 barils d'huile et d'essence
pour exprimer leur refus du mur de Berlin. Comme César, Mimmo Rotella,
Niki de Saint Phalle et Gérard Deschamps avant lui, Christo rejoint le
groupe des nouveaux réalistes en 1963. Ils s'installent à New York en
1964 et adoptent la nationalité américaine. Ils continuent de pratiquer
l'empaquetage comme symbole de prise de possession de l'espace
et de l'éphémère en tant que dimension esthétique. Les artistes
considèrent procurer "une dimension sculpturale nouvelle" aux monuments
qu'ils s'approprient, drapent, découpent et colorient. Leurs œuvres sont signées Christo jusqu'en 1994, date à partir de laquelle apparaît le nom de Jeanne-Claude.
«Nos projets sont des oeuvres d'art in situ, ce ne sont pas des objets transportables. D'habitude une sculpture normale, qu'elle soit classique ou moderne, a son propre espace physique. D'une certaine façon cet espace appartient à la sculpture car il a été préparé pour elle. Nos projets touchent une sensibilité plus vaste, en fait ils s'approprient ou empruntent des espaces qui habituellement n'appartiennent pas à la sculpture.»
Œuvres monumentales et éphémères, nécessitant des mois de préparation pour un résultat exposé quelques semaines seulement. Pour Christo & Jeanne Claude, leur travail est fait pour impressionner le spectateur tout en offrant une nouvelle vision d’un lieu “acquis”, poussant ainsi un cri de liberté
Pour en savoir plus...
Site officiel : http://www.christojeanneclaude.net/
Exemples d'emballages (bâtiments, arbres, îles...) : http://blog.artsper.com/voir-plus-loin/nos-preferes-de-christo-jeanne-claude/
«Nos projets sont des oeuvres d'art in situ, ce ne sont pas des objets transportables. D'habitude une sculpture normale, qu'elle soit classique ou moderne, a son propre espace physique. D'une certaine façon cet espace appartient à la sculpture car il a été préparé pour elle. Nos projets touchent une sensibilité plus vaste, en fait ils s'approprient ou empruntent des espaces qui habituellement n'appartiennent pas à la sculpture.»
Œuvres monumentales et éphémères, nécessitant des mois de préparation pour un résultat exposé quelques semaines seulement. Pour Christo & Jeanne Claude, leur travail est fait pour impressionner le spectateur tout en offrant une nouvelle vision d’un lieu “acquis”, poussant ainsi un cri de liberté
Pour en savoir plus...
Site officiel : http://www.christojeanneclaude.net/
Exemples d'emballages (bâtiments, arbres, îles...) : http://blog.artsper.com/voir-plus-loin/nos-preferes-de-christo-jeanne-claude/
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Œuvre proposée en musique
“Gelber
sack” des Groove Onkels